J'ai beaucoup entendu parler de ce livre à sa sortie, je ne cesse de voir Rosa candida cité sur la blogosphère. Aussi, lorsque j'ai découvert ma nouvelle bibliothèque de quartier suite à mon déménagement, j'ai choisi de l'emprunter immédiatement.
L'auteur islandaise, Auður Ava Ólafsdóttir signe ici un roman salué par la presse et la critique, je serais, pour ma part, plus réservée. Je n'ai rien à dire sur le style que j'ai vraiment aimé. La romancière possède un vrai don pour raconter ce road movie mélangeant ésotérisme, horticulture et religion.
L'histoire ? Difficile de résumer, on suit ici un jeune homme, Arnljotur, quitter son père presque octogénaire, son frère jumeau autiste et la serre où il partageait sa passion des roses avec sa mère, récemment décédée pour un pays inconnu. Il quitte la seule maison qu'il ait jamais connu, sa famille, ses repères pour aller rénover la roseraie mythique d'un monastère. Dans ses bagages deux ou trois boutures de la rosa candida (rose à huit pétales qu'affectionnait sa mère) et la photo de son enfant, un bébé de huit mois qu'il a eu accidentellement avec Anna, amie de son meilleur ami, par une nuit d'été dans la serre familiale.
Comme je le disais en introduction, le style de l'auteur est fluide, réaliste, très islandais - sans fioritures, je retrouve ici une écriture proche de celle d'un autre auteur islandais que j'apprécie énormément. Pour autant, l'histoire est empreinte de poésie et d'une forme de mysticisme avec comme fil conducteur une date clé (celle de la naissance et de la mort de la mère et de naissance la fille du héros) et un lieu magique : un monastère retiré dans un pays jamais cité, dont l'accès est long et difficile, et où les habitants parlent un dialecte local. Vous l'aurez compris, l'auteur nous emmène dans un pays imaginaire. Voyage initiatique d'un jeune homme à la recherche de son identité.
Bref, j'ai vraiment aimé l'histoire et le style de l'auteur, le seul point négatif étant, à mes yeux, le personnage principal. Il m'a très vite énervé, mais vraiment énervé, j'ai cru même un instant cesser ma lecture. Je ne regrette pas d'avoir insisté, j'ai fini le livre et j'ai tempéré mon jugement. Mais certaines de ses pensées m'ont particulièrement gênées, disons importunées. Apparemment, les autres lecteurs ne l'ont pas vu ainsi, mais il est foncièrement égocentrique et misogyne. Il ne l'est pas volontairement, ne l'est-on pas à son âge ? Ainsi sa vision de la femme est pour moi très réductrice.
Je dois dire que mon billet aurait été très différent si je n'avais pas lu la troisième de couverture qui tempère mon jugement. La maison d'édition décrit le personnage comme "tendre, cocasse" et surtout "candide, ingénu". Cela, bien évidemment, me force à revoir mon jugement. Soit, il sort d'une vie de reclus, où il vivait exclusivement auprès de ses parents avec les visites de son frère le week-end. Il s'échappait dans la serre familiale où il partageait la passion de sa mère pour les plantes, et les roses en particulier, au grand dam de son père. Le décès de cette dernière le force à voir le monde, lui qui n'avait presque pas de vie sociale. Mais en choisissant d'aller s'occuper d'un jardin dans un monastère, il recherche à nouveau une vie solitaire. Il va y trouver une figure paternelle en la personne de Frère Thomas, moine cinéphile qui lui apprend la vie.
En écrivant ces mots, je ne peux m'empêcher de penser à ces quelques phrases qui m'ont presque fait sauter de mon siège dans le tramway, ai-je mal interprété le livre de bout en bout ? J'ai lu et étudié Candide dans ma jeunesse, et je ne me souviens pas lui avoir attribué de la misogynie. Ici, c'est pourtant le cas. A 22 ou 23 ans, il est totalement obsédé par les femmes, au sens physique, puisqu'il avoue ne penser qu'à ça, ainsi les femmes ne l'intéressent que dans cet objectif : coucher avec. Il ne s'en cache pas, et là, il s'écoute.
Ce parcours est évidemment initiatique et il s'interroge sur ces obsessions et entame une sorte d'analyse. Mais rapidement j'ai eu l'impression qu'il est incapable d'éprouver de l'empathie, il ne cherche jamais à comprendre les sentiments des autres, et particulièrement les femmes, il les cantonne dans des rôles : l'auto-stoppeuse appelée "la comédienne", sa mère ou la mère de son enfant, qu'il appelle accessoirement "la généticienne", mais jamais de mots tendres, pour moi, il est extrêmement froid et distant. Et s'il entame une démarche, elle reste centrée sur sa personne.
L'un des passages qui m'a le plus choqué fut lorsqu'il raconte la naissance de sa fille. Anna, la mère de l'enfant est évidemment fatiguée après l'accouchement et a les yeux brûlants "comme si elle avait traversé une épreuve que je ne pourrais jamais comprendre". Euh oui, mon cher - à moins d'être une femme, tu ne sauras jamais ce que c'est de donner la vie. Et lorsqu'il remarque qu'Anna tient l'enfant dans les bras, "le regard ailleurs comme si elle pensait à autre chose, comme si elle avait fait son devoir et voulait aller se coucher". Quoi, elle aurait du se mettre debout et sauteur à pieds joints avec lui ? Oui, elle est fatiguée, elle vient d'accoucher. C'est là que j'ai commencé à me poser des questions sur le personnage, et je n'ai jamais vu le côté candide du personnage. Erreur tragique de ma part ?
La preuve ? J'ai même noté mentalement le numéro des pages où j'ai lu des passages qui m'ont énervés. Certains sont maladroits, je sais qu'il est jeune, pas du tout ouvert au monde, mais quand il s'étonne de voir son amie être devenue mère si vite, où qu'il lui reproche qu'elle a l'air souvent "absente", j'ai l'impression de déceler chez lui une incapacité à analyser ou percevoir les sentiments des autres. Il est enfermé dans son propre monde, où sa mère est devenue une icône, indétrônable. Il reste le fils à sa mère. Cette mère est idéalisée.
Mon analyse du personnage (c'est la mienne) m'a empêché de ressentir justement de l'empathie pour le personnage, j'ai recentré mon attention sur le lieu, son amie Anna, sa fille, Flora Sol - je n'ai pas eu l'impression qu'il ait appris quoique ce soit. Et point d'humilité chez lui, sa fille, extrêmement intelligente et vive (à 9 mois elle parle et marche) lui renvoie encore une image de lui-même positive.
Je reste donc mitigée après cette lecture, j'ai beaucoup aimé le style et l'histoire mais je n'ai pas réussi à m'attacher au personnage principal. J'aimerais sans doute lire d'autres romans de l'auteur, car j'ai vraiment accroché à son style mais j'espère ne pas retrouver les mêmes traits de caractère chez ses personnages.
Ce billet a été écrit il y a deux semaines environ, je l'ai repris ce matin.
L'auteur islandaise, Auður Ava Ólafsdóttir signe ici un roman salué par la presse et la critique, je serais, pour ma part, plus réservée. Je n'ai rien à dire sur le style que j'ai vraiment aimé. La romancière possède un vrai don pour raconter ce road movie mélangeant ésotérisme, horticulture et religion.
L'histoire ? Difficile de résumer, on suit ici un jeune homme, Arnljotur, quitter son père presque octogénaire, son frère jumeau autiste et la serre où il partageait sa passion des roses avec sa mère, récemment décédée pour un pays inconnu. Il quitte la seule maison qu'il ait jamais connu, sa famille, ses repères pour aller rénover la roseraie mythique d'un monastère. Dans ses bagages deux ou trois boutures de la rosa candida (rose à huit pétales qu'affectionnait sa mère) et la photo de son enfant, un bébé de huit mois qu'il a eu accidentellement avec Anna, amie de son meilleur ami, par une nuit d'été dans la serre familiale.
Comme je le disais en introduction, le style de l'auteur est fluide, réaliste, très islandais - sans fioritures, je retrouve ici une écriture proche de celle d'un autre auteur islandais que j'apprécie énormément. Pour autant, l'histoire est empreinte de poésie et d'une forme de mysticisme avec comme fil conducteur une date clé (celle de la naissance et de la mort de la mère et de naissance la fille du héros) et un lieu magique : un monastère retiré dans un pays jamais cité, dont l'accès est long et difficile, et où les habitants parlent un dialecte local. Vous l'aurez compris, l'auteur nous emmène dans un pays imaginaire. Voyage initiatique d'un jeune homme à la recherche de son identité.
Bref, j'ai vraiment aimé l'histoire et le style de l'auteur, le seul point négatif étant, à mes yeux, le personnage principal. Il m'a très vite énervé, mais vraiment énervé, j'ai cru même un instant cesser ma lecture. Je ne regrette pas d'avoir insisté, j'ai fini le livre et j'ai tempéré mon jugement. Mais certaines de ses pensées m'ont particulièrement gênées, disons importunées. Apparemment, les autres lecteurs ne l'ont pas vu ainsi, mais il est foncièrement égocentrique et misogyne. Il ne l'est pas volontairement, ne l'est-on pas à son âge ? Ainsi sa vision de la femme est pour moi très réductrice.
Je dois dire que mon billet aurait été très différent si je n'avais pas lu la troisième de couverture qui tempère mon jugement. La maison d'édition décrit le personnage comme "tendre, cocasse" et surtout "candide, ingénu". Cela, bien évidemment, me force à revoir mon jugement. Soit, il sort d'une vie de reclus, où il vivait exclusivement auprès de ses parents avec les visites de son frère le week-end. Il s'échappait dans la serre familiale où il partageait la passion de sa mère pour les plantes, et les roses en particulier, au grand dam de son père. Le décès de cette dernière le force à voir le monde, lui qui n'avait presque pas de vie sociale. Mais en choisissant d'aller s'occuper d'un jardin dans un monastère, il recherche à nouveau une vie solitaire. Il va y trouver une figure paternelle en la personne de Frère Thomas, moine cinéphile qui lui apprend la vie.
En écrivant ces mots, je ne peux m'empêcher de penser à ces quelques phrases qui m'ont presque fait sauter de mon siège dans le tramway, ai-je mal interprété le livre de bout en bout ? J'ai lu et étudié Candide dans ma jeunesse, et je ne me souviens pas lui avoir attribué de la misogynie. Ici, c'est pourtant le cas. A 22 ou 23 ans, il est totalement obsédé par les femmes, au sens physique, puisqu'il avoue ne penser qu'à ça, ainsi les femmes ne l'intéressent que dans cet objectif : coucher avec. Il ne s'en cache pas, et là, il s'écoute.
Ce parcours est évidemment initiatique et il s'interroge sur ces obsessions et entame une sorte d'analyse. Mais rapidement j'ai eu l'impression qu'il est incapable d'éprouver de l'empathie, il ne cherche jamais à comprendre les sentiments des autres, et particulièrement les femmes, il les cantonne dans des rôles : l'auto-stoppeuse appelée "la comédienne", sa mère ou la mère de son enfant, qu'il appelle accessoirement "la généticienne", mais jamais de mots tendres, pour moi, il est extrêmement froid et distant. Et s'il entame une démarche, elle reste centrée sur sa personne.
L'un des passages qui m'a le plus choqué fut lorsqu'il raconte la naissance de sa fille. Anna, la mère de l'enfant est évidemment fatiguée après l'accouchement et a les yeux brûlants "comme si elle avait traversé une épreuve que je ne pourrais jamais comprendre". Euh oui, mon cher - à moins d'être une femme, tu ne sauras jamais ce que c'est de donner la vie. Et lorsqu'il remarque qu'Anna tient l'enfant dans les bras, "le regard ailleurs comme si elle pensait à autre chose, comme si elle avait fait son devoir et voulait aller se coucher". Quoi, elle aurait du se mettre debout et sauteur à pieds joints avec lui ? Oui, elle est fatiguée, elle vient d'accoucher. C'est là que j'ai commencé à me poser des questions sur le personnage, et je n'ai jamais vu le côté candide du personnage. Erreur tragique de ma part ?
La preuve ? J'ai même noté mentalement le numéro des pages où j'ai lu des passages qui m'ont énervés. Certains sont maladroits, je sais qu'il est jeune, pas du tout ouvert au monde, mais quand il s'étonne de voir son amie être devenue mère si vite, où qu'il lui reproche qu'elle a l'air souvent "absente", j'ai l'impression de déceler chez lui une incapacité à analyser ou percevoir les sentiments des autres. Il est enfermé dans son propre monde, où sa mère est devenue une icône, indétrônable. Il reste le fils à sa mère. Cette mère est idéalisée.
Mon analyse du personnage (c'est la mienne) m'a empêché de ressentir justement de l'empathie pour le personnage, j'ai recentré mon attention sur le lieu, son amie Anna, sa fille, Flora Sol - je n'ai pas eu l'impression qu'il ait appris quoique ce soit. Et point d'humilité chez lui, sa fille, extrêmement intelligente et vive (à 9 mois elle parle et marche) lui renvoie encore une image de lui-même positive.
Je reste donc mitigée après cette lecture, j'ai beaucoup aimé le style et l'histoire mais je n'ai pas réussi à m'attacher au personnage principal. J'aimerais sans doute lire d'autres romans de l'auteur, car j'ai vraiment accroché à son style mais j'espère ne pas retrouver les mêmes traits de caractère chez ses personnages.
Ce billet a été écrit il y a deux semaines environ, je l'ai repris ce matin.
Je ne vais pas copier/coller ma réponse, ici, même si j'ai pensé à le faire. Mais juste, étrangement, et même si nous ne le notons pas de la même manière, je comprends entièrement ton point de vue ! (Que trop bien, même)
RépondreSupprimerAh tant mieux car je me sentais un peu seule lorsque le livre est sorti et a connu un tel succès donc ravi de voir que je ne suis pas seule ;-)
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