The Last Tycoon, par F.S Fitzgerald fut publié en 1941 après sa mort par son ami Edmund Wilson puis de nouveau publié en 1994 sous le titre The Love of the Last Tycoon, titre souhaité par l’auteur.
F.S Fitzgerald, né à la toute fin du 19è Siècle et décédé en 1940, est un romancier américain, membre de la « génération perdue » (The Lost generation), groupe créé par Ernest Hemingway pour désigner les écrivains qui avaient servi lors de première guerre mondiale et perdu de ce fait beaucoup de leurs illusions (Dos Passos et T.S Eliot en font partie également).
F.S Fitzgerald est devenu célèbre avec ses romans : This side of the Paradise, (qui obtint un large succès à sa sortie et apporta la gloire au jeune romancier), puis The Great Gatsby et Tender is the Night. (tous deux adaptés au cinéma malgré leurs succès très mitigés dans le monde littéraire).
Lorsqu’il entreprend l’écriture de The love of the last Tycoon sur un magnat de Hollywood qui se sait condamné, F.S Fitzgerald ignore que lui-même ne vivra pas assez longtemps pour finir l’écriture de ce roman.
C’est d’ailleurs assez étrange d’entreprendre la lecture d’un livre dont on sait qu’il est inachevé. Son ami Edmund Wilson, qui décida de le publier un an après le décès de l’écrivain, décida d’y joindre les notes de l’auteur et les extraits des correspondances entre l’auteur et son éditeur, ainsi que les informations données de vive voix par le défunt, pour entrevoir la fin que le romancier souhaitait donner à son récit.
Je ne connaissais absolument pas l’histoire, aussi je fus surprise de la fin brutale du héros, mais j’ai été ravie d’entrer dans le « monde secret de l’auteur ». Je suis en effet toujours captivée par le processus même de l’écriture, chaque écrivain travaille différemment. Ainsi, j’ai découvert que Mo Hayder n’a pas de bureau, et écrit dans son lit entourée de livres, avec un ordinateur. D'autres en sont incapables et préfèrent noircir des cahiers d’écolier (je vous conseille la lecture de cette interview d’Amélie Nothomb, qui écrit toujours à la même heure, en buvant le même thé et ne fait jamais de ratures). D’autres ont besoin de planifier chaque chapitre, alors que certains ignorent jusqu’à la fin de leur récit quand ils se lancent dans l’écriture.
F.S Fitzgerald travaillait beaucoup ses romans, ici on en a l’exemple, non seulement il indiquait dans ses correspondances avec son éditeur l’avenir réservé à ses personnages et ses intentions, mais il détaillait en plus de manière précise l’articulation de son roman (chapitre par chapitre, chaque sous-partie, les personnages présents, l’action souhaitée et le nombre de mots). Il approfondissait psychologiquement et historiquement chaque personnage important. Il explique ainsi la combattivité et le succès de son héros (connu très jeune, comme le romancier) par une jeunesse passée dans les mauvais quartiers, où enfant il se battait et rusait pour survivre. ll ne mentionnera pas ses indications dans le roman à proprement parler, mais comme un acteur dans la marge du scénario.
Son talent est donc ici exposé au grand jour, F.S Fitzgerald était méthodique et perfectionniste. Son sens du détail l’amènera à créer un des portraits les plus fascinants de la littérature américaine, celui de son personnage principal Monroe Stahr. Ce magnat hollywoodien qui dévoue sa vie à son travail, va tomber éperdument amoureux d’une jeune femme irlandaise, sosie de son épouse défunte. Le monde parfait dans lequel il vit et qu’il dirige va peu à peu s’écrouler autour de lui, comme le passage du cinéma muet au cinéma parlant. Les scénaristes, embauchés à la dizaine et qui travaillent à la chaine commencent à se syndicaliser et à faire valeur leurs droits, Hollywood commence à vaciller et Stahr est la statue à renverser.
Zelda et F.S Fitzgerald |
Le portrait de cette immense machine à succès est saisissant, je pense même qu’il a peu changé en 70 ans, certaines remarques de l’écrivains ont toujours aussi véridiques. Et dominant ce monde surréaliste, ces immenses magnats (je pense également à Howard Hugues) étaient désespérément seuls, enfermés dans une tour d’ivoire.
Le talent de F.S Fitzgerald est de faire de son personnage principal un homme à la fois surpuissant et craint, et terriblement humain, faillible et romantique. Il se sait de santé fragile mais refuse de modifier son rythme de travail, malgré le risque.
Conscient de sa mort imminente, il va alors porter tout son espoir dans le fol amour qu’il éprouve pour une jeune femme, sosie de son épouse décédée. Celle-ci est étrangère au monde d’Hollywood (et s’en méfie) et est fiancée à un autre homme. Mais Stahr à qui rien ne résiste, ne voit en cet obstacle qu’un défi de plus à franchir.
DAMES - Lobby Card (1934) |
La construction de ce roman peut sembler difficile au départ, car F.S Fitzgerald emploi deux narrateurs : le magnat (à la troisième personne du singulier) et une jeune femme, fille d’un des producteurs hollywoodiens, ennemi juré de Stahr, follement amoureuse de Stahr. Alors hospitalisée pour tuberculose cinq ans après la mort du magnat, elle décide de témoigner de l'histoire d'amour entre Stahr et Kathleen.
Le romancier a hésité plusieurs fois à l'introduire comme premier chapitre, présentant ce témoin dans sa chambre d’hôpital, et finalement c’est en lisant les notes que l’on comprend mieux la structure du roman. Par ailleurs, il est précisé à chaque début de chapitre qui « prend la parole », j'ignore si cette aide était destinée à demeurer pour la publication. En choisissant cette jeune étudiante comme narrateur, F.S Fitzgerald peut ainsi montrer l’aura qui entoure Monroe Stahr, et les raisons qui font succomber d’amour les femmes qui le fréquentent.
En effet, je l'avoue, en tant que lectrice, le portrait de cet homme à la fois énigmatique et profondément romantique ne peut que plaire.
J’ai eu plus de difficultés à comprendre Kathleen, son amour mystérieux (appelé Thalia dans sa première version). F.S Fitzgerald décrit bien dans ses correspondances son envie d’en faire une femme « mystérieuse et fatale », aussi lorsqu’elle commence à fréquenter Stahr, elle tente de le fuir, refuse de le voir et de lui dire la vérité (elle est promise à un autre homme), mais elle ne peut lui résister lorsqu’il vient la chercher. Ses propos m’ont semblé parfois incohérents, leurs dialogues (ils finissent par passer une nuit ensemble) presque trop « hollywoodiens », fantasmés et surannés. Sans doute à l’époque, ce genre de dialogues plaisait aux lecteurs, aujourd’hui ils paraissent superficiels.
C’est pour moi le seul point négatif de l’histoire. Car en lisant les notes, et l’avenir que le romancier souhaiter donner à son roman, j’aurais beaucoup aimé pouvoir continuer la lecture.
Hollywood in the 30's |
Sa description du tout Hollywood est précise, acérée et offre une critique sans précédent d’un monde à part. Le soin qu’il apporte à détailler ses personnages en choisissant non pas le mode purement descriptif (très barbant) mais par leurs actions ou leur inaction est passionnant.
Ainsi il note :
« Actress – introduced so slowly, so close, so real that you believe in her. Somehow she’s first sitting next to you, not an actress but with all the qualifications, loud and dissonant in your ear. Then she is one, but don’t let it drift away in detailed description of her career. Keep her close. Never just use her name. Always begin with a mannerism. »
Une véritable leçon d’écriture.
Son sens du phrasée, sa maitrise du rythme, son vocabulaire en font un romancier fascinant. Ses notes sont toutes aussi passionnantes que son roman :
« There are no second acts in American lives ».
« Most of us could be photographed from the ay of our birth to the day of our death and the film shown, without producing any emotion but boredom and disgust. It would all just look like monkeys scratching. How do you feel about your friends’home movies about their baby or their trip ? Isn’t it a godawful bore ? »
Gatsby Le Magnifique |
Auteur critiqué après la publication de Gatsby, il promettait à son éditeur que ce roman était le "bon". Mais il semble que la vie ait joué un drôle de tour au romancier, en décidant de lui octroyer une fin précipitée comme celle qu’il avait choisi pour son personnage.
J’ai maintenant envie de lire ses autres romans et nouvelles, et de relire Gatsby Le Magnifique.
En apprenant un peu plus sur la vie décadente de Fitzgerald (à lire ici), j’ai appris que l’un de mes romanciers préférés, et sans doute, mon préféré : J.D Salinger, admirait beaucoup l’œuvre de F.S Fitzgerald. Je le comprends mieux.
"Give me a hero and I'll write you a tragedy » avait dit le romancier, il a tenu parole.
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