J'étais encore lycéenne lorsque ce "fait divers" est entré dans ma vie via la lucarne télévisuelle. Je me souvenais des faits principaux (le meurtre, le dernier message de la victime, écrit avec son sang, le verdict et la grâce présidentielle) mais je passais mon temps entre deux pays, et je n'ai jamais suivi de près cette histoire.
Roschdy Zem a décidé de prendre les choses en main et de réaliser un film, inspiré en grande partie de deux livres, le premier écrit de la main même de l'accusé, Omar Raddad et le second par un journaliste - écrivain célèbre, persuadé de l'innocence de cet homme.
Le rôle d'Omar Raddad est confié à Sami Bouajila et celui de l'écrivain à Denis Podalydès.
Le rôle d'Omar Raddad est confié à Sami Bouajila et celui de l'écrivain à Denis Podalydès.
Petit rappel des faits : le 24 juin 1991, Ghislaine Marchal est retrouvée morte dans la cave de sa villa de Mougins, sur une des portes, on peut lire, écrit avec le sang de la victime « Omar m’a tuer ». Quelques jours plus tard, Omar Raddad, son jardinier, est écroué à la prison de Grasse. Il parle peu, comprend mal le français, s'est endetté en jouant dans les casinos. Dès lors, il est le coupable évident. Il n’en sortira que 7 ans plus tard, gracié, mais toujours coupable aux yeux de la justice. En 1994, révolté par le verdict, Pierre-Emmanuel Vaugrenard, écrivain convaincu de l’innocence d’Omar Raddad, s’installe à Nice pour mener sa propre enquête et rédiger un ouvrage sur l’affaire… (fiche Allôcinée modifiée).
J'ai hésité en allant voir ce film, ayant lu quelques critiques négatives à son sujet, on lui reprochait de prendre un seul et unique parti, celui d'Omar Raddad et de rester plus sur le style documentaire. Voici mon avis, totalement subjectif.
J'ai vu pas mal de documentaires concernant les grands crimes de notre temps, fort bien documentés et étayés, et ce film n'est pas un documentaire, même s'il emprunte au documentaire son souci du détail, et la clarté des propos. Il m'a fait plus penser à l'œuvre de Truman Capote, "De sang froid" - In cold blood, qui avait inventé le roman journalistique. Comment relater un fait divers sans oublier la forme retenue, livre ou film.
J'ai vu pas mal de documentaires concernant les grands crimes de notre temps, fort bien documentés et étayés, et ce film n'est pas un documentaire, même s'il emprunte au documentaire son souci du détail, et la clarté des propos. Il m'a fait plus penser à l'œuvre de Truman Capote, "De sang froid" - In cold blood, qui avait inventé le roman journalistique. Comment relater un fait divers sans oublier la forme retenue, livre ou film.
Formidable Denis Podalydès |
Dans ce film, le spectateur suit en fait le personnage de Denis Podalydès, qui doute de la culpabilité du jardinier, et va obtenir les droits d'écrire un livre en échange d'une enquête précise et détaillée permettant d'apporter un éclairage nouveau et de nouveaux éléments en faveur du condamné. Denis Podalydès est juste parfait. Pas d'autres mots pour décrire sa performance, acteur de la Comédie Française, il sait parfaitement se fondre dans son personnage, pas une seule minute, je n'ai vu en lui autre chose que son personnage.
Le film commence avec le verdict, puis remonte le temps, la découverte du crime en 1991 et suit l'enquête menée par l'écrivain. Celui-ci se rend immédiatement à Cannes et à Nice, accompagné d'une assistante, prêt à mener l'enquête. Il loue une mobylette et va refaire chaque pas et geste d'Omar pendant la fameuse journée du 23 juin. Roschdy Zem réussit à démontrer, classiquement mais avec force, qu'il a été pratiquement impossible à l'accusé d'être présent sur les lieux du crime comme les enquêteurs l'ont cru. On suit chaque découverte avec intérêt, j'avais complètement occulté les détails du crime (à savoir qu'il se trouvait à faire le jardin dans une autre propriété ce jour-là), l'enquête est passionnante, et déroutante.
Car le réalisateur va aussi démontrer à quel point l'enquête a été bâclée, l'inscription sanglante de la victime ayant suffi à les convaincre de la culpabilité du jardinier. Ils n'entendront pas certains témoignages, pourtant clés (celui d'un autre jardinier mais sans papiers, qui a été expulsé, mais aussi de la meilleure amie de la victime, aussi riche que son amie, qui défend avec bec et ongles Omar Raddad, mais que la police refusera d'entendre). Roschdy Zem ne sombre jamais dans la facilité, il agit avec minutie et savoir-faire : voir ainsi l'écrivain rouler à fond sur sa mobylette pour tenter de gagner quelques minutes, essayer d'écrire dans le noir sur une porte ouverte cette phrase fatidique, reprendre les résultats de l'autopsie, sans pouvoir étudier de nouveau le corps (la victime ayant été tout de suite incinérée), le spectateur est entrainé dans cette recherche pour la vérité.
Ce qui m'a le plus troublée, ce sont les points techniques - il m'est impossible de croire qu'en moins de dix minutes, l'accusé a pu non seulement s'acharner sur sa protectrice, mais concevoir le stratagème lit accolé debout contre la porte, sans laisser ni empreintes, ni traces ADN.
Le film commence avec le verdict, puis remonte le temps, la découverte du crime en 1991 et suit l'enquête menée par l'écrivain. Celui-ci se rend immédiatement à Cannes et à Nice, accompagné d'une assistante, prêt à mener l'enquête. Il loue une mobylette et va refaire chaque pas et geste d'Omar pendant la fameuse journée du 23 juin. Roschdy Zem réussit à démontrer, classiquement mais avec force, qu'il a été pratiquement impossible à l'accusé d'être présent sur les lieux du crime comme les enquêteurs l'ont cru. On suit chaque découverte avec intérêt, j'avais complètement occulté les détails du crime (à savoir qu'il se trouvait à faire le jardin dans une autre propriété ce jour-là), l'enquête est passionnante, et déroutante.
Car le réalisateur va aussi démontrer à quel point l'enquête a été bâclée, l'inscription sanglante de la victime ayant suffi à les convaincre de la culpabilité du jardinier. Ils n'entendront pas certains témoignages, pourtant clés (celui d'un autre jardinier mais sans papiers, qui a été expulsé, mais aussi de la meilleure amie de la victime, aussi riche que son amie, qui défend avec bec et ongles Omar Raddad, mais que la police refusera d'entendre). Roschdy Zem ne sombre jamais dans la facilité, il agit avec minutie et savoir-faire : voir ainsi l'écrivain rouler à fond sur sa mobylette pour tenter de gagner quelques minutes, essayer d'écrire dans le noir sur une porte ouverte cette phrase fatidique, reprendre les résultats de l'autopsie, sans pouvoir étudier de nouveau le corps (la victime ayant été tout de suite incinérée), le spectateur est entrainé dans cette recherche pour la vérité.
Ce qui m'a le plus troublée, ce sont les points techniques - il m'est impossible de croire qu'en moins de dix minutes, l'accusé a pu non seulement s'acharner sur sa protectrice, mais concevoir le stratagème lit accolé debout contre la porte, sans laisser ni empreintes, ni traces ADN.
En parallèle de l'enquête, le spectateur est amené à suivre la descente aux enfers, il n'y a pas d'autres mots, d'Omar Raddad. Sami Bouajila est méconnaissable, il interprète avec gravité et talent cet homme, timide, sérieux, qui s'exprime peu, ne sait ni lire et écrire, et parle très peu le français. Il imite parfaitement l'accent de cet homme, et son physique plutôt agréable a disparu au profit d'un homme qui perd tout appétit de vivre en prison. Roschdy Zem apporte ici la touche d'humanité, de sentiments qui auraient manqué au film, s'il s'était concentré uniquement sur la contre-enquête.
Maitre Vergès est interprété par un Maurice Bénichou, plutôt convaincant car pour moi il s'attaquait à très dur. Si celui-ci avait au moment de la condamnation de son client, crié au racisme, le film apporte une lumière différente, car ni Omar, ni sa famille n'ont cru à un complot raciste. Ils croyaient d'ailleurs fermement à la justice française. Ils avaient oublié que celle-ci est humaine, donc faillible. La pression médiatique suite à la découverte de ces mots ensanglantés ayant poussé celle-ci à trouver rapidement un coupable.
Quant aux critiques, qui reprochaient au réalisateur d'avoir pris un parti pris, effectivement, il a décidé - non pas de déclarer innocent d'emblée l'accusé, mais de démontrer, à travers ce fait divers, la faillibilité de la justice française. Contrairement à d'autres systèmes judiciaires, le nôtre a longtemps refusé qu'un arrêt de Cour d'Assises ou de la Cour de Cassation soit remis en cause, la délibération des jurés étant sacrée. Mais d'autres affaires sont venues bouleverser ce système. A noter cependant, que si plus de 1000 affaires sont portées devant les tribunaux pour obtenir un procès en révision, seules 7 (je crois) ont été portées à ce jour devant les juges.
La victime, pour laquelle j'ai une pensée émue, l'autopsie ayant révélé qu'elle était morte lentement, dans d'atroces souffrances, n'est jamais décriée. Elle est au contraire présentée comme une femme riche, aisée, mais tolérante et très généreuse envers ses employés. Elle menait une vie paisible, avec quelques sorties pour jouer aux cartes avec ses amies. Elle mérite largement que son ou ses assassin(s) soi(en)t traduit(s) devant la justice.
L'ADN, si connu aujourd'hui, n'était pas encore une science exacte en 1991, mais des échantillons du sang trouvé dans la cave, ont permis de révéler la présence de deux ADN masculins, distincts de celui de la victime, et encore plus important de celui d'Omar Raddad, qui dès l'an 2000 accepté de donner le sien. Depuis dix ans, ses nouveaux avocats se battaient pour que ces éléments nouveaux soient enfin comparés au fichier national ADN sans succès. La justice (des "sages", dont un ancien Ministre de la Justice) restaient sourds à leur demande.
Serait-il parce qu'ils défendent plus un système qu'ils ne s'attachent à la vérité ? Et si les sages ont fini par obtempérer, c'est simplement parce que la nouvelle avocate d'Omar s'est rappelée, que tout justiciable a le droit d'être protégé, et qu'à ce jour, le ou les meurtriers courent toujours et pourraient de nouveau commettre des crimes. Ironique, non ? Cette partie-là n'est pas traité dans le film, c'est pour cela que j'ai décrit avec plus de précision ces éléments.
Serait-il parce qu'ils défendent plus un système qu'ils ne s'attachent à la vérité ? Et si les sages ont fini par obtempérer, c'est simplement parce que la nouvelle avocate d'Omar s'est rappelée, que tout justiciable a le droit d'être protégé, et qu'à ce jour, le ou les meurtriers courent toujours et pourraient de nouveau commettre des crimes. Ironique, non ? Cette partie-là n'est pas traité dans le film, c'est pour cela que j'ai décrit avec plus de précision ces éléments.
J'ai suivi avec intérêt chaque avancée dans le dossier, et souffert avec Omar lors de son incarcération, sa grève de la faim, et j'ai été très émue à la fin du film. Lors de la dernière image, je n'ai pu m'empêcher de me dire que si je croisais Omar dans la rue, j'aurais juste envie de lui tendre mes bras.
A voir donc. Vite.
Merci pour cette critique très complète et très argumentée. J'ai très envie de le voir, et l'histoire m'ayant touchée, je pense céder ce week-end !
RépondreSupprimerLa bande-annonce m'a bien plu mais je ne sais pas si j'aurai le temps d'aller le voir au ciné.
RépondreSupprimer@Océane : de rien, j'ai vraiment beaucoup apprécié ce film.
RépondreSupprimer@Frankie : oui j'hésitais avec d'autres films, j'y suis allée sans vraiment y vouloir, mais pas de regret !