Sean Barron fut un petit garçon unique avec une force extraordinaire – une volonté hors du commun, qui lui permit à l’adolescence de lutter contre ses démons pour réussir à quitter le monde où il vivait, celui d’un enfant autiste.
J’avais déjà lu ce livre il y a très longtemps (paru en 2000 en France, 1992 aux USA : there's a boy in here) et je l’ai retrouvé par hasard pendant les fêtes de fin d’année. Je ne suis pas médecin, et je ne connais l'autisme qu'à travers mes lectures et les films ou reportages que j'ai pu voir.
J’aime beaucoup ce livre, que j’ai lu de nouveau très vite car ce qui est unique avec Sean, c’est qu’il a une mémoire parfaite et qu’il se souvient de ses toutes premières années et de toutes ses obsessions avec précision (les chaines, les cartes, les bus, allumer et éteindre, jeter des pièces dans les convecteurs). Son témoignage est d’une grande puissance.
Boy behind a glass - copyright Autist's Corner |
Mais revenons au livre : en écrivant ce livre conjointement avec sa mère, Sean et Judy ont pu comparer leurs souvenirs – et la conception que chacun avait du même évènement. Une lutte désespérée au quotidien pour cette mère (qui n’arrivait à capter son attention que lorsqu’elle lui criait dessus ou le secouait). Une succession d'obsessions pour lui - il voulait absolument continuer ses jeux étranges et ne supportait pas que sa mère l'en empêche.
Son témoignage est très intense, il n’hésite pas à expliquer que ses gestes répétitifs (il pouvait rester des heures entières à refaire les mêmes gestes) lui procurent à la fois du plaisir et un sentiment de sécurité (la lumière revient bien lorsque l’on appuie à nouveau sur l’interrupteur) mais également un sentiment de surpuissance qui l’habite. Il veut dominer son monde, et toutes les personnes qui y vivent. La maison est son château, et lui le châtelain.
Son témoignage est très intense, il n’hésite pas à expliquer que ses gestes répétitifs (il pouvait rester des heures entières à refaire les mêmes gestes) lui procurent à la fois du plaisir et un sentiment de sécurité (la lumière revient bien lorsque l’on appuie à nouveau sur l’interrupteur) mais également un sentiment de surpuissance qui l’habite. Il veut dominer son monde, et toutes les personnes qui y vivent. La maison est son château, et lui le châtelain.
copyright Autist's Corner |
Il raconte par exemple qu’il ne supporte pas de ne pas être le premier dans la cuisine le matin, voir des bouteilles d’eau dans les restaurants (l’eau n’est pas bien), etc. Et quand ses parents refusent de céder, il entre alors dans des colères noires.
Sa mère, épuisée par ses colères et par un sentiment d’impuissance face à cette maladie qui dans les années 60 reste un mystère - n'a finalement trouvé que les cris et les punitions (fessée) pour se faire entendre et remarquer de son fils. Il ne lui montre aucun signe d'affection, ne la regarde pas, ne la touche pas. Seule sa petite sœur trouvera grâce à ses yeux (née après lui elle trouve ses jeux amusants et il peut la diriger à sa guise).
Je sais que chaque enfant autiste est unique, il y a autant de cas d’autisme que d’enfants. Le cas de Sean Barron est unique. Certains ont un retard mental important, d’autres au contraire des facultés intellectuelles supérieures à la moyenne (syndrome Asperger) – certains arrivent à parler, d’autres ne s’exprimeront que par des cris. Mais à tous, ils leur manquent ce «lien» que tout être humain établit avec un autre. Sean l’explique très bien dans le livre : au début, les autres ne l'intéressent absolument pas et il n'a aucun désir de "communiquer". Pour lui, le langage n'a aucun sens et il ne comprend pas que les mots prononcés ont plus qu'un sens. Il parlera d’abord sous forme d’écholalie (répétitions de phrases, de mots) puis des phrases types, mais il devra attendre d’être adolescent pour comprendre que les mots ont un objectif autre que leur simple signification : celui de «communiquer», exprimer ses émotions.
Boy in a plastic bubble - copyright Autist's Corner |
Sean Barron explique aussi que jusqu’à l’adolescence, sa mère lui est parfaitement indifférente, au pire elle est celle qui l’énerve le plus en l’empêchant de faire ce qu’il a envie de faire. Il n’éprouve aucun sentiment d'amour ou d'affection envers elle et il éprouve du plaisir à l’énerver. Ainsi, il ne la touche jamais, ne l’embrasse pas, mais a compris qu’en lui adressant un sourire, il obtient d'elle son attention pour obtenir ce qu'il veut. J'ai vraiment apprécié cette honnêteté, Sean n'a pas voulu apparaître comme un enfant différent doux et gentil, il a souhaité témoigner de la vérité même si elle est déplaisante parfois.
Ce livre n'explique aucune méthode mais le combat quotidien de Sean et de ses parents. Sean est né en 1965 et il a fallu des années pour mettre un nom à sa maladie, une maladie "sans espoir" et qui à l'époque a une explication freudienne très simple : c'est la faute de la mère (théorie du fameux Bruno Bettelheim, l'enfant n'était pas désiré). Judy Barron va tenter de voir un grand nombre de spécialistes qui n'aideront jamais son fils, elle va tout essayer, sans succès. Elle le placera même un temps dans un institut spécialisé.
Son témoignage est également très éprouvant, celui d'une mère qui se sent seule au monde, condamnée par la science (la faute à la mère) et qui tente par tous les moyens d'aider son fils. Elle écrit honnêtement, en admettant qu'épuisée, isolée, son seul recours était la colère, et les punitions.
A noter que Sean a toujours suivi une scolarité normale (ayant même de bonnes notes), alors qu'il ne parlait pas. Son cas est donc parfaitement unique, mais il m’a permis d’avoir une vue «de l’intérieur» de leur monde.
Plus jeune, j’avais été marquée par un téléfilm "Son-rise : a miracle" (1979) inspiré de l'histoire vraie de la famille Kaufman dont le fils Raun était né autiste en 1974 (ses obsessions : faire tourner les assiettes comme des toupies et tirer la chasse d'eau encore et encore). J'avais une dizaine d'années quand je l'ai vu pour la première fois et cette histoire m'avait beaucoup marquée. L'histoire racontait comment ses parents perdus face à leurs fils diagnostiqué autiste sévère, avaient réussi à le faire «sortir de son monde» en inventant une série d’exercices. Judy Barron y fait référence dans son livre. Ils ont depuis créé des centres pour expliquer leur méthode (aller vers l'enfant, entrer dans son monde, méthode différente de l'A.B.A, généralement employée). Le jeune Raun Kaufman ne ressemblait pas à Sean Barron, ils partageaient évidemment cette même obsession de répéter les mêmes gestes des centaines de fois mais Raun était un enfant "plus calme" et en l'espace de trois ans, ses parents ont réussi à lui faire quitter son monde.
Raun Kaufman and his parents |
A la fin du livre, Sean témoigne de son amour inconditionnel pour ses parents et sa sœur (j’imagine le bonheur pour sa famille) et de sa lutte quotidienne car il n'est pas guéri (il se refuse à posséder des jeux de cartes par exemple). Aujourd’hui, il donne des conférences pour témoigner de son parcours et essaie d’aider les autres familles.
Interrogé par sa mère au sujet des nouvelles méthodes (modification comportementale de l’enfant en le récompensant ou en le punissant, A.B.A) Sean répond que sur lui cela n’aurait probablement pas fonctionné car il se moquait de plaire à ses parents et se fichait des récompenses, il souhaitait être le maître chez lui et que tout le monde lui obéisse, il était donc dans le positionnement inverse. Lorsque sa mère a tenté de mettre en place des exercices, les résultats étaient presque nuls (il réussissait finalement un soir pour tout oublier le lendemain puis a rapidement abandonné).
Il faut le lire pour comprendre comment Sean a réussi à s'ouvrir aux autres et apprendre à communiquer avec le monde extérieur et à abandonner ses obsessions.
Je ne suis pas médecin et je vous prie de m'excuser si j'ai du mal à décrire les méthodes correctement. Aujourd'hui, je sais qu'elles font toujours débat. J'emploie également le terme de maladie, mais je sais que certaines personnes ne le voient pas ainsi. La science continue ses recherches.
Je sais également que le nombre d'enfants qui comme Sean ou Raun ont finalement réussi à mener une vie normale est faible. Ils sont sans doute des exceptions, mais j'avoue qu'aujourd'hui on montre peu les adultes autistes. Les médias semblent toujours plus tentés de montrer des enfants vivant dans une bulle, empreint de mystère avec une sorte d'aura autour d'eux, et je n'échappe pas à ça non plus car ces deux témoignages ne représentent pas du tout la majorité des enfants.
Ce livre m'a cependant beaucoup aidé à mieux appréhender cette "maladie" et à porter un regard différent sur ces enfants. Je le conseille à tout le monde, même à ceux qui comme moi ne sont pas concernés de près par l'autisme.
C'est un article bien passionnant. Je suis heureuse que mes 2 enfants se portent bien, je n'ose imaginer le combat quotidien des parents quand je me retrouve à gérer à une super crise de mes enfants qui pourtant sont rares.
RépondreSupprimerPS : j'ai vu ton com chez Lily June, et les réactions qui ont suivi... bcp de bruit pour rien! Et bien moi j'adore ce que tu écris!
Merci, j'ai gardé pendant quelque temps un enfant autiste (mais trop peu pour dire que je m'y connais), il avait deux ans.
RépondreSupprimerMerci pour ton ps ! Oui je n'ai pas bien compris, ce qui s'est passé. Je n'y suis pas retournée (bien normal vu les propos) donc j'ignore ce qui s'est dit et je t'avoue que je m'en fiche. Pour moi, le net doit rester un moment de plaisir et de détente.